Combattre les douleurs chroniques par l’orthothérapie | AMS
Épisode 3_Combattre les douleurs chroniques par l'orthothérapie

Combattre les douleurs chroniques par l’orthothérapie

Carrière
9 octobre 2018

On a tous travaillé avec un client dont la problématique revenait incessamment. Sa condition était-elle si compliquée, si extraordinaire que son soin fut un échec ? Fréquemment, cet effet boomerang perdure quand le facteur causatif ou aggravant se dissimule furtivement dans l’équation. Le sabote. Se pourrait-il que le cœur de leur problème n’ait simplement pas été adressé ?

Suggestion de P-O : ne tombe pas dans le piège du « fix it », cette tendance à vouloir soulager la douleur locale du client en l’affrontant directement. Cette approche demeure indiquée pour toute problématique locale, habituellement traumatique, mais ses limites te sauteront au visage dès que tu l’appliqueras à un cas moindrement chronique. Ne pourchasse pas la douleur. Après tout, elle n’est qu’un symptôme parmi tant d’autres.

À l’opposé, l’orthothérapeute brille dans le soulagement de la chronicité. Comment y parvient-il ? Quelles sont les forces des principes thérapeutiques de l’orthothérapie ?

 

L’orthothérapie agit avec holisme

L’orthothérapeute déploie une approche thérapeutique holistique. Qu’est-ce que l’holisme ? « Une théorie selon laquelle l’homme est un tout indivisible qui ne peut être expliqué par ses différentes composantes considérées séparément ».

Par conséquent, tu ne peux approcher le muscle rebelle d’une problématique musculaire en étant aveuglé par des œillères, sans observer ce qui se passe autour. Tu te dois de considérer toutes les variables pouvant l’affecter, l’influencer.

Ainsi, l’orthothérapeute préconise une approche dite en entonnoir. Débute globalement pour envelopper le plus grand nombre de variables possible. Après avoir tourné autour du pot et suffisamment préparé ton terrain, tu canaliseras doucement ton attention plus précisément vers les variables méritant ton attention jusqu’à ce que tu aboutisses à la raison de consultation de ton client.

De cette façon, tu réduis les chances qu’une variable de l’équation se faufile entre tes doigts. Et puisqu’on discute d’entonnoir, continuons avec une variable globale.

 

L’orthothérapie agit sur les déséquilibres posturaux

Le corps est un livre ouvert. Sa posture ne représente ni plus ni moins que le résultat des forces appliquées sur le squelette, principalement la gravité et les tensions musculaires. L’administration de ces forces sur l’os déterminera son emplacement dans l’espace, qui est à son tour restreint par son jeu articulaire.

Autrement dit, la posture devient un outil de communication exprimant ce constant souque à la corde. Sa lecture permet de prédire la présence de contractions musculaires concentriques ou excentriques, de phénomènes compensatoires et de mécanismes de défense. D’ailleurs, elle offre un aperçu immédiat des tensions évoluant le long d’une chaîne musculaire.

Pour l’orthothérapeute, la posture de son client lui communique un « pouls musculaire ».

De plus, rappelle-toi qu’elle peut s’établir comme facteur aggravant probable dans l’équation des problématiques. Par exemple, dans un cas où un grand pectoral entraîne la tête humérale en rotation interne, il envenimera la mauvaise humeur d’une coiffe des rotateurs. Optimiser l’alignement élimine le stress inutilement enduré par le segment.

Maintenant que tu peux globalement lire le corps, tu nécessites ensuite une direction où concentrer tes efforts.

 

L’orthothérapie agit à la croisée des chemins

Syndrome d’enchaînement… ascendant ou descendant ? Les tensions musculaires emploient les chaînes musculaires comme une autoroute. Dans quelle direction lancent-ils la patate chaude ? Par où commencer ?

Emprunte subtilement une idée de Sun Tzu et son Art de la guerre : ne tente pas de trouver ton ennemi en devinant son possible emplacement ; positionne-toi où tu sais avec certitude qu’il est obligé de se retrouver. Attends-le patiemment à la croisée des chemins.

Connais-tu le concept du hara des arts martiaux japonais ou du dantian de la médecine traditionnelle chinoise ? Le yoga, les techniques de respiration et de méditation, l’ostéopathie, et les massages shiatsu et anma démontrent un concept similaire. Pas besoin d’entrer dans l’ésotérisme ; allons plutôt vers la physique. Il s’agit simplement de notre centre de gravité situé dans la ceinture pelvienne. En court et simple : toute dysfonction chronique naîtra dans ce coin-là ou visera à s’y regrouper.

En effet, une qualité de mouvement corrèle directement avec sa stabilité. C’est pourquoi tu entends répétitivement qu’une articulation distale dépend de l’articulation qui lui est proximale. Un muscle qui contracte nécessite un point d’ancrage stable. Si son support devient du sable mouvant, la fonction souffre et un phénomène compensatoire apparaît pour assurer une certaine efficacité.

Conséquemment, même dans un cas comme un syndrome du canal carpien, l’orthothérapeute entamera son soin par le système axial, le dos. Pars du centre de gravité, la ceinture pelvienne. Remonte les maillons de la chaîne jusqu’au dorsal, puis au cervical avant de poursuivre en descendant à l’épaule et au coude. Finalement, approche directement le poignet et ses symptômes locaux.

« Mais P-O, la ceinture pelvienne et la cage thoracique présentent bien trop de muscles profonds difficiles d’accès ! » P-O a prévu le coup. Poursuivons.

 

L’orthothérapie agit sur les muscles profonds

Comment atteindre les muscles profonds ? En employant le même protocole qu’on t’a inculqué depuis ton praticien : le protocole MOST.

Je compare fréquemment le tout à un sundae. Ton massage symbolise la crème glacée. Les garnitures reflètent ta kinésithérapie. Et ton orthothérapie représente la cerise trônant fièrement au sommet. Le ratio et l’ordre créent la magie de la chose. Uniquement de la crème glacée reste… de la crème glacée. Un excès de garnitures produit une soupe de coulis à la crème glacée. Une montagne de cerises confites n’est pas plus attrayante.

Ainsi donc, débute avec ton massage pour relâcher les couches musculaires superficielles et préparer ton terrain. Enchaîne ensuite avec ta kinésithérapie pour atteindre davantage la musculature intermédiaire. Et voilà ! Tes pions sont positionnés adéquatement pour que le corps te laisse aisément chatouiller les muscles profonds avec un peu d’orthothérapie. La roue recommence ensuite à tourner cycliquement pour chaque objectif fixé.

Mais ce n’est pas tout ! Qui dit muscles profonds du système axial dit respiration.

 

L’orthothérapie agit sur le mouvement respiratoire

Y a-t-il un muscle plus profond que le diaphragme ? Il se trouve tellement enfoui en nous qu’il sépare les organes digestifs du cœur et des poumons. Il demeure impossible d’approcher le système axial sans considérer les muscles de la respiration. Pire, tout muscle avec insertions costales affectera et sera affecté par la fluidité du mouvement respiratoire. De plus, tu as probablement remarqué une cause qui revient fréquemment pour un nombre ahurissant de problématiques : les mouvements répétitifs. Y a-t-il un mouvement plus répétitif que la respiration ?

Autrement dit, le mouvement respiratoire affecte directement l’alignement postural. L’inverse demeure tout aussi vrai. Additionnellement, il existe un lien direct entre la respiration et l’émotion.

Et quelle est l’émotion la plus répandue dans le mode de vie de la société actuelle ?

 

L’orthothérapie agit sur les effets du stress sur l’organisme

L’orthothérapie affirme être antistress. Que déploie-t-elle de plus qu’un bon massage relaxant ? En prédisposant le système parasympathique et en assurant un mouvement respiratoire fluide et non entravé, elle s’attaque directement aux effets manifestés par le stress.

Te souviens-tu des trois phases générales d’adaptation au stress ? En contrecarrant les impacts du stress, l’orthothérapeute permet une gestion plus adéquate de celui-ci. Plutôt que de s’enfoncer inévitablement vers la phase d’épuisement, que je surnomme « crash n’ burn », tes mécanismes du système sympathique déployés effectuent efficacement leurs raisons d’être. Ensuite, ils pourront plus aisément se rebalancer avec ton système parasympathique. Bref, si tu nages en plein océan pendant une tempête, l’orthothérapie jouera le rôle d’une bouée. Tu boiras probablement tout de même la grande tasse pendant que ta tête se retrouvera inévitablement submergée, mais au moins, tu tendras à retourner naturellement à la surface plutôt que d’être entraîné par un sac de briques vers les abysses.

C’est bien beau tout ça, mais pourquoi ces principes thérapeutiques représentent autant la force de l’orthothérapie ?

Tout problème chronique est entretenu par un cercle vicieux où les variables s’encouragent les unes envers les autres. Ce carrousel se trouve parfois tellement puissant qu’il perdure et se revigore lui-même, et ce, même en l’absence de l’événement déclencheur initial. Briser ce cercle à un seul endroit, comme dans le cas du « fix it », peut amener des effets favorables à court terme seulement jusqu’à ce qu’il colmate sa brèche.

L’Art de la guerre suggère d’éviter l’affrontement lorsque tu es opposé par un ennemi qui détient la supériorité numérique. Puisque cette option nous est impensable, nous devons nous replier sur la suggestion alternative : arrange-toi pour que ton ennemi soit incapable d’appliquer le poids de son nombre. La mentalité du « fix it » échoue simplement parce que, intégralement, ce cercle vicieux demeure plus puissant que le thérapeute. La force de l’orthothérapie réside à fragmenter ce cercle à de multiples endroits où l’orthothérapeute se retrouve bien plus fort que chaque fragment isolé.

Divide et impera — Diviser pour mieux régner

 

Philippe-Olivier Jasmin, collaborateur AMS
Orthothérapeute clinicien MQ, il œuvre depuis 2007 en clinique multidisciplinaire et en clinique médicale privée. Il est également superviseur-coach d’orthothérapie au campus de Montréal de l’AMS.

Mais qui est Philippe-Olivier Jasmin? Une partie rêveuse, un soupçon de zèle et de perfectionnisme, beaucoup de zen, des esprits de guerriers et de philosophes, et juste assez de sarcasme et d’humour. Partez le malaxeur. Bam! On a un P-O.

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